Un model mathématique pour protéger les grenouilles: construire sur l’héritage de Malagnou

Dans la nature, les barrières reproductives entre espèces peuvent être parfois surmontées, produisant des hybrides occasionnellement fertiles. Ce processus conduit à des connections démographiques entre espèces, qui peuvent être aussi accompagnées d’introgressions génétiques. L’introduction par l’homme d’espèces invasives augmente la fréquence de ce phénomène, représentant une menace potentielle pour les espèces natives.

Les groupes de Mathias Currat et Juan Montoya-Burgos ont développé un modèle général d’hybridation inter-spécifique et l'ont utilisé pour décrire les interactions génétiques et démographiques entre trois espèces de grenouilles d’Europe centrale du genre Pelophylax. L’une de ces grenouilles est invasive et remplace graduellement les deux formes autochtones.

Par l'exploration d'un très large spectre de solutions possibles, précise Mathias Currat, ce modèle nous a permis d'identifier les meilleures mesures de conservation. Cette démonstration de la performance de ce nouvel outil en matière de stratégie de conservation quand des hybridations inter-spécifiques se produisent entre espèces invasives et natives a été publiée dans le journal Evolutionary Applications. Comme l'explique Claudio Quilodran, travaillant sur ce modèle dans sa thèse de doctorat, «favoriser une plus grande taille d’habitat pour l’espèce native Pelophylax lessonae par rapport à l’espèce invasive est la meilleure stratégie, évitant ainsi la difficulté de combattre directement l’envahisseur".

Cette étude complexe a le mérite manifeste de passer du modèle mathématique à des solutions applicables sur le terrain pour la conservation de ces amphibiens. Une partie de ses fondements se trouvent dans les méchanismes d'hybridation entre les deux espèces natives, méchanismes qui ont été découverts il y a près de 30 ans à la mythique Station de Zoologie Expérimentale de Malagnou (Graf, 1986), autrefois partie intégrante du département GENEV, se plaît à relever Juan Montoya-Burgos.

Reference:

Graf, J. D. 1986. Population genetics of the Rana esculenta complex: a model. In Z. Rocek, ed. Studies in Herpetology, pp. 175-179, Charles University, Prague.