Découverte de l’origine du cerveau mammalien

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The origin of the mammalian brain uncovered

Le cerveau des mammifères est caractérisé par le développement d’un vaste néocortex qui se superpose au cerveau plus ancien dit paleocortex ‘reptilien’. Cette distinction découle de la manière dont les neurones sont fabriqués: on parle de neurogénèse directe pour la partie ancienne du cerveau, et indirecte pour le néocortex. Mais comment différentes parties du cerveau choisissent l’une ou l’autre méthode de développement? Une équipe de chercheurs dirigés par le Professeur Victor Borrell de l’Institut des neurosciences à Alicante en Espagne, en collaboration avec des chercheurs américain et Allemands, ainsi que le Dr. Athanasia Tzika du Département de Génétique et Evolution de l’Université de Genève et du SIB Institut Suisse de Bioinformatique ont découvert que le contrôle du processus direct ou indirect de fabrication des neurones ne dépend que de l’expression de trois gènes. Les scientifiques ont par la suite été capables de contrôler ce processus, créant des tissus corticaux de mammifère chez le serpent et de tissus reptiliens chez la souris! Ces résultats, publiés aujourd’hui dans la revue Cell, ouvrent un nouveau pan dans la compréhension du développement et de l’évolution du cerveau.

Chez les mammifères, donc l’homme, la fabrication des neurones découle de la division des cellules RGC (Radial Glia Cells), qui peut se faire de deux manières distinctes, la première est appelée neurogénèse directe et entraîne la formation du cerveau dit reptilien (contrôlant l’olfaction, la température du corps, les fonctions vitales), la seconde est appelée neurogénèse indirecte et aboutit au développement du néocortex (contrôlant les fonctions cognitives supérieures telles que le langage).Lors de la neurogénèse directe, chaque cellule RGC produit un neurone. Ce processus est rapide mais ne produit que peu de neurones. Au contraire, lors de la neurogénèse indirecte, les cellules RGC subissent une amplification de leur nombre par division cellulaire et différenciation en cellules IPC (Intermediate Progenitor Cells). Ce processus est plus lent mais aboutit à la production d’un très grand nombre de neurones qui forment le néocortex typique des mammifères. Mais comment les cellules RGC choisissent-elles l’une ou l’autre méthode de fabrication des neurones ?

Trois gènes pour expliquer l’évolution et le développement

Pour répondre à cette question, l’équipe du professeur Victor Borrell s’est associée au Dr. Athanasia Tzika, chercheuse au Département de Génétique et Evolution de la Faculté des sciences de l’Université de Genève (UNIGE) et au SIB Institut Suisse de Bioinformatique, experte en modèles reptiliens. L’idée: comparer le cerveau des reptiles aux cerveaux reptiliens des souris, plus particulièrement la zone olfactive, afin de regarder si les mêmes gènes sont exprimés dans les deux cas lors de la fabrication des neurones. «Nous avons observé que deux gènes, Robo 1 et 2, sont très fortement exprimés lors de la neurogénèse directe, alors que le gène Dll1 est lui très peu exprimé, aussi bien chez le serpent que dans la partie reptilienne du cerveau de la souris», expose Athanasia Tzika. «Lors de la neurogénèse indirecte dans le néocortex de la souris, c’est l’inverse! Robo 1 et 2 sont très peu exprimés, alors que Dll1 l’est fortement.» Ce premier résultat important suggère que ce sont bien ces trois gènes qui contrôlent le choix des RGC et donc le type de processus qui est mis en place lors de la fabrication des neurones. Cette hypothèse est très surprenante car les spécialistes pensaient jusqu’à présent que l’évolution du néocortex chez les mammifères avait nécessité l’apparition de nombreux nouveaux gènes.

Fabriquer un cerveau mammifère sur commande ?

Si la construction d’un cortex reptilien ou de mammifère ne dépend que de l’expression de ces trois gènes, il devrait être possible de contrôler le type de neurogénèse que l’on veut obtenir en manipulant ces gènes! Grâce à des techniques de biologie moléculaire, les chercheurs ont augmenté l’expression de Robo 1 et 2 et réduit l’expression de Dll1 dans le néocortex de la souris, et effectivement, les RGC ont fabriqué des neurones par neurogénèse directe, comme chez les reptiles. Encore plus surprenant: l’opération inverse a été effectuée sur un embryon de serpent et la neurogénèse indirecte a pu être provoquée, générant des tissus néocorticaux typiques d’un mammifère! «Le fait de pouvoir déclencher la neurogénèse indirecte chez un reptile prouve que cette régulation est très ancienne et que les mammifères ont acquis la capacité de modifier ce processus via la régulation de seulement trois gènes», relève Athanasia Tzika.

Un changement minime aux conséquences spectaculaires

Certaines défauts du développement du cerveau découlent de problèmes lors de la neurogénèse. Cette nouvelle découverte des mécanismes responsables du développement et de l’évolution du néocortex chez les mammifères permettra dès lors de peut-être mieux comprendre certaines malformations cérébrales chez l’homme.

Pour plus d’informations, téléchargez l’article original:

Evolution of Cortical Neurogenesis in Amniotes Controlled by Robo Signaling Levels.
Cardenas et al., 2018, Cell 174, 1–17
DOI: https://doi.org/10.1016/j.cell.2018.06.007