- news
- 25-06-2025
Le laboratoire Milinkovitch a mené une nouvelle étude qui révèle comment les écailles de la tête des tortues sont modélisées à travers deux processus développementaux distincts — la réaction-diffusion chimique et le plissement mécanique — qui opèrent dans des régions séparées de la tête. Ce mécanisme dual éclaire non seulement la morphogenèse de la peau chez les reptiles, mais également l'histoire évolutionnaire de la formation de motifs chez les vertébrés.
Placodes et réaction-diffusion : le rôle des signaux génétiques moléculaires interactifs
Chez les vertébrés, les appendices cutanés tels que les écailles, les plumes et les poils se développent souvent à partir de placodes — de petits groupes de cellules formés à travers des processus de signalisation moléculaire bien conservés. Ces placodes sont généralement organisés via des systèmes de réaction-diffusion (RD) impliquant des molécules activateurs et inhibiteurs qui créent des taches spatialement organisées où les appendices se formeront.
Chez les tortues, nos chercheurs constatent maintenant que les régions latérales et périphériques de la tête suivent ce chemin de développement classique. En utilisant l'hybridation in situ, ils détectent l'expression de marqueurs de placode canoniques tels que la β-caténine et la protéine sonic hedgehog dans ces régions au cours du développement embryonnaire. Cela confirme que les écailles de ces zones proviennent de placodes modélisés chimiquement, similaires à ceux observés chez les mammifères et les oiseaux.
Le plissement mécanique façonne les écailles de la tête centrale
Alors que la distribution spatiale des écailles périphériques est modélisée par la réaction-diffusion, la surface dorsale centrale de la tête de la tortue suit un chemin différent. Ici, les écailles se forment non pas par des signaux chimiques, mais par des forces mécaniques. Nos chercheurs ne trouvent pas d'expression de marqueurs de placode dans cette zone. Au lieu de cela, ils observent des caractéristiques tissulaires — telles que des écailles polygonales non jointes et des rides cutanées fines — caractéristiques d'un plissement induit mécaniquement.
Pour tester cela, notre équipe utilise la microscopie à fluorescence à feuille de lumière et la nanoindentation pour étudier la géométrie et la rigidité des couches cutanées. Leurs données montrent que lorsque la peau se raidit en raison de la kératinisation, et que le crâne sous-jacent s'ossifie, la contrainte compressive due à la croissance cutanée contrainte déclenche le plissement de surface. Ces caractéristiques sont étroitement similaires au processus de formation des écailles chez les crocodiles, qui reposent également sur un modelage mécanique (voir notre vidéo ici).
Simulations informatiques à l'appui de l'origine mécanique
Nos chercheurs ont construit un modèle de croissance à trois dimensions basé sur la géométrie et la rigidité des tissus. Ces simulations ont reproduit avec succès les modèles de plissement des écailles observés chez les tortues sulcata, grecques et marginées. La capacité du modèle à recréer la variation interspécifique des modèles d'écailles de la tête souligne comment les changements dans la croissance tissulaire et les propriétés des matériaux peuvent entraîner une diversité morphologique.
Implications évolutionnaires : un héritage partagé
Intéressamment, le modelage dual des écailles de la tête observé chez les tortues — chimique à la périphérie, mécanique au centre — relie les caractéristiques des reptiles squamates et des archosaures (crocodiles et oiseaux). Puisque les tortues sont le groupe sœur des archosaures, les résultats de nos chercheurs suggèrent que le modelage mécanique des écailles de la tête a probablement évolué chez leur ancêtre commun et a été perdu plus tard chez les oiseaux.
Cette découverte met en évidence la versatilité des systèmes de développement — comment l'interaction de la chimie et de la physique sculpte la forme — et fournit de nouvelles informations
Plus de détails dans l'article originel :
Chemical and mechanical patterning of tortoise skin scales occur in different regions of the head
Cooper R.L., Jahanbakhsh E. & M.C. Milinkovitch
iScience 28(6), 112684